Communiqué :
L’arrivée de nouveaux traitements contre l’hépatite C permet d’espérer la disparition du virus chez la quasi-totalité des malades. Mais les tarifs exigés actuellement par les laboratoires ne le permettront pas car ils obligeront les autorités françaises à mettre en place une véritable stratégie de rationnement qui créera une inégalité d’accès aux soins intenable dans la durée.
Le cas du sofosbuvir, première de ces molécules prometteuses, commercialisée par le laboratoire Gilead sous le nom de Sovaldi, est emblématique de cette situation. Le prix initialement exigé est de 56 000 € le traitement (12 semaines) pour un coût maximal de production estimé à 80 Euros. Pour pouvoir traiter les 128 000 personnes qui ont un besoin urgent en France, il faudrait débourser l’équivalent de l’intégralité du budget 2014 de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) soit 7 milliards d’euros1. Sans compter que cette molécule doit, dans de nombreux cas, être prise pendant 6 mois et associée à un autre médicament, entrainant un coût total de 147 000 euros par personne, selon les exigences actuelles des laboratoires.
Si les dernières négociations engagées ce mois-ci pour la fixation du prix entre Gilead et le Comité économique des produits de santé (CEPS) aboutissent dans le sens voulu par le laboratoire, les répercussions seront lourdes pour l’ensemble des pathologies et des molécules innovantes à venir. Se pose de fait la question de la mécanique de fixation des prix des médicaments, tant sur le plan de la transparence que sur celui des arguments avancés pour justifier des prix aussi exorbitants. Dans le contexte social et économique actuel et en particulier son retentissement sur la santé des populations, nos associations et collectifs ont demandé aux autorités de soumettre le Sovaldi au régime de la licence d’office, qui permettrait d’en produire une version générique à un moindre coût. Ce mécanisme, rendu possible dans le cadre des flexibilités de l’accord international sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) est également prévu dans le code de la propriété intellectuelle français. Certains pays européens ont déjà eu recours aux licences d’office pour de nombreux médicaments permettant de faire chuter considérablement les prix et contribuer ainsi à la lutte contre les inégalités de santé. Il est de la responsabilité de l’Etat de permettre l’accès à la santé, sur la base des moyens que la loi prévoit pour le faire. C’est précisément le cas de l’octroi d’une licence d’office pour le sofosbuvir.
Michel Bonjour, Président de SOS Hépatites Fédération
Emmanuelle Hau/Aurélie Defretin, Médecins du Monde
Yann Mazens, TRT-5
Signataires : Actions Traitements, Act Up Paris, Act Up Sud-Ouest, Aides, Arcat, ASUD CHV, CISS, Comede, Médecins du Monde, Dessine-moi un Mouton, Nova Dona, SIS association, Sol En Si, SOS Hépatites Fédération, TRT-5
1Londeix P. Forette C., Nouveaux traitements hépatite C : stratégies pour atteindre l’accès universel, mars 2014